Précisions médicales

Publié le par luange66

 

A l'image de "klebsiella pneumoniae", détectée à l'hôpital de Massy (Essonne) cet été, de plus en plus de bactéries sont résistantes aux antibiotiques.

A l'image de "klebsiella pneumoniae", détectée à l'hôpital de Massy (Essonne) cet été, de plus en plus de bactéries sont résistantes aux antibiotiques.REUTERS/STOYAN NENOV

 

Les cinq patients décédés en juillet à l'hôpital de Massy (Essonne) ne sont pas morts de la bactérie "tueuse", tel que l'avançait Le Parisien ce mardi 30 août, mais"de la pathologie dont ils souffraient", a rectifié l'INVS (Institut national de veille sanitaire). Une chose, toutefois, reste vraie : la bactérie klebsiella pneumoniae,désignée à tort comme coupable, était bien présente chez dix-huit patients de cet hôpital. Assez courante dans nos tubes digestifs, la klebsiella n'est pas forcément pathogène, et résidait d'ailleurs chez ces patients sans leur causer de maladie. Mais cette souche en question, importée de Grèce, avait une particularité qui a puinquiéter les médecins : elle est résistante à la plupart des antibiotiques à disposition.

Ce phénomène de résistance préoccupe de plus en plus le monde de la santé. Car la klebsiella est loin d'être la seule à échapper aux traitements. Début août, des scientifiques de l'INRA (Institut national de la recherche agronomique), de l'INVS et de l'Institut Pasteur alertaient sur l'émergence "soudaine et préoccupante d'une salmonelle" – bactérie représentant "une des premières causes d'infections alimentaires chez l'homme (...) devenue résistante à presque tous les antibiotiques". Dans ce cas, le berceau de ces modifications génétiques pourraitêtre l'Egypte, probablement à cause de l'usage massif d'antibiotiques dans l'aquaculture puis dans l'élevage de volailles, "grandes consommatrices defluoroquinolones". La bactérie, dont certaines souches résistent déjà à toutes les classes d'antibiotiques, semble s'implanter en Europe.

En juin dernier, c'est la fameuse E. Coli, qui a fait 76 morts en Europe. Elle avait comme particularité, outre sa virulence, d'être très résistante aux médicaments. Le phénomène touche d'autres colibacilles, des bactéries très communes qui peuplent par millions les tubes digestifs des hommes et des animaux. Certaines ont aujourd'hui la capacité de résister à quasiment tout l'arsenal thérapeutique, laissant les médecins désarmés.

 UNE UTILISATION "DÉBRIDÉE" 

Les professionnels de la santé ne cachent pas leur inquiétude, comme en témoigne un manifeste de l'Alliance francophone contre le développement des bactéries multi-résistantes. Le groupe évoque le chiffre, sous-estimé selon lui, de 25 000 décès par an en Europe causés par ces micro-organismes tenaces. "Après plusieurs décennies d'une utilisation souvent débridée des antibiotiques, nous entrons dans une période de risque et de pénurie, avec l'apparition de bactéries extrêmement résistantes à ces médicaments, voire à tous les antibiotiques, alors que très peu de nouveaux produits sont attendus dans les dix prochaines années", constate ce document.

Le coordinateur de l'Alliance, Jean Carlet, met en cause un mauvais usage des antibiotiques. Et en premier lieu, leur surconsommation. Chez l'homme, "peut-être la moitié des antibiotiques prescrits le sont alors qu'il ne s'agit pas de bactéries, mais de maladies virales ou autres, pour lesquelles ces traitements n'ont pas lieu d'être", déplore le médecin. Autre utilisation nuisible : un dosage trop faible qui ne tue pas toute la population bactérienne, laissant les micro-organismes les plus résistants survivre et se multiplier. C'est de cette façon, parallèlement aux mutations, que les bactéries développent des capacités de résistance.

TROP D'ANTIBIOTIQUES TUENT L'ANTIBIOTIQUE

En France, cette consommation d'antibiotiques a été pointée par l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) en juin : l'Hexagone est"nettement au-dessus de la moyenne européenne dans ce domaine". Et les Français se remettent à consommer davantage de ces médicaments depuis 2005, malgré une tendance globale à la baisse par rapport aux années 1990.

Et il n'y a pas que chez les humains que l'on se gave d'antibiotiques : Jean Carlet évoque leur usage massif dans l'élevage où ils servaient même, à petite dose, de stimulateurs de croissance jusqu'à ce que cette pratique soit interdite en France il y a quelques années. Elle reste en vigueur dans d'autres pays comme les Etats-Unis, laissant libre cours aux évolutions des bactéries puis à leurs éventuelles migrations. Dans l'agriculture enfin, les antibiotiques utilisés pour soigner les plantes s'infiltrent dans la terre.

En cause également, le manque d'innovation dans ce domaine : si les bactéries sont de plus en plus résistantes, c'est qu'elles ont le temps d'évoluer face à des produits qui, eux, ne changent pas ou peu. Du coup, les solutions de rechange sont également réduites pour remplacer un produit devenu obsolète. "En pratique, les médecins sont déjà confrontés à des infections susceptibles de menacer le pronostic vital des patients par manque d'antibiotiques efficaces", souligne l'Afssaps.

DIVERSIFIER LES THÉRAPEUTIQUES

Pour Jean Carlet, "il faut donc créer de nouveaux antibiotiques, dans l'immédiat, pour sortir de cette impasse." Dans la revue Nature, Martin Blaser, président du département de médecine de l'université de New York, préconise quant à lui deréduire fortement leur usage pour les enfants et les femmes enceintes. En effet,réduire la consommation de ces médicaments et rationnaliser leur usage freinerait la capacité de résistance des bactéries.

Mais à long terme, les antibiotiques seront toujours rattrapés par l'adaptation, inévitable, de ces organismes vivants. Par conséquent, pourquoi ne pas s'intéresser à d'autres solutions ? Jean Carlet évoque, en première ligne, la vaccination. Mais pas seulement : "On peut aussi regarder du côté de certaines plantes, qui ont des effets antibactériens assez puissants, ou encore de certains virus bactériophages." Bref, il s'agit de diversifier les thérapeutiques, face à des antibiotiques qui ont représenté, en France, un chiffre d'affaires de 852 millions d'euros en 2009, selon l'Afssaps.

Angela BolisLEMONDE.FR | 30.08.11 | 19h46   •  Mis à jour le 30.08.11 | 22h19

 

 

Publié dans santé

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